L’élevage industriel pour les nuls

Jusqu’à ce que je me renseigne sur les coulisses de l’élevage industriel, je croyais que les poules gambadaient à l’air libre, que les vaches pâturaient dans des prairies à perte de vue, ou que les poissons étaient pêchés par des petits bateaux familiaux à bord des côtes. Oui j’étais un peu naïve. Et puis j’ai avalé la pilule rouge et la réalité m’est apparue bien différemment.

 

L’animal: cet objet qu’on produit à la châine

Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’un occidental consomme BEAUCOUP de viande (environ 88kg / an pour un Français et 126kg pour un Américain, contre 3kg pour un Indien[1]). Ca n’a pas toujours été le cas, puisqu’en 1950 on en consommait 2 fois moins. Comment expliquer cette augmentation ? Un soudain attrait des Français pour le saucisson à la sortie de la guerre ? Plutôt une volonté du gouvernement de dynamiser le secteur pour rester compétitif dans une économie qui se mondialisait à vitesse grand V. Le résultat fut l’apparition de l’élevage industriel dans les années 50, dans le but de produire plus de viande à bas prix.

Comme son nom l’indique, l’élevage industriel utilise des méthodes de production industrielles, ce qui veut dire : augmentation de la taille des bâtiments, mécanisation des tâches, travail à la chaîne, etc. In fine, le but c’est d’avoir un produit moins cher et une hausse de la rentabilité pour le producteur. En image, ça donne ça:

Appliquées à une voiture ou une paire de chaussettes, personne n’en souffre (à vrai dire si, probablement les ouvrières des usines textiles du Bangaldesh, mais ceci est un autre débat). En tout cas, la voiture ou la paire de chaussettes, elle, n’en souffre pas. Mais appliquées à l’animal, c’est complètement différent. L’animal est un être doué de sensibilité qui peut ressentir la douleur. Comment peut-on le mettre au même plan qu’un vulgaire objet et lui renier ses instincts les plus fondamentaux comme se mouvoir librement, interagir avec ses congénères, picorer, faire un nid, etc. sous couvert qu’on veut consommer une viande pas chère, aliment qui n’est pourtant pas nécessaire à notre survie?

 

Concrètement, il s’y passe quoi dans les élevages intensifs ?

Quand je me suis intéressée au sujet de l’élevage industriel, j’étais tellement ahurie, choquée et révoltée que j’ai fait une sorte de boulimie de lectures et documentaires sur le sujet. Impossible de tout résumer ici, mais voici ce que j’ai retenu dans les grandes lignes du fonctionnement des élevages intensifs :

A / Les conditions d’élevage

On l’a vu : le but est de maximiser la rentabilité. L’intérêt économique de l’éleveur prime donc sur le bien-être animal. Les pratiques suivantes sont donc la norme dans ce type d’élevages :

  • Entassement des animaux dans d’immenses hangars où ils ne voient parfois jamais la lumière du jour, comme dans les élevages en batterie.
    poules de batterie 
    élevage industriel truie
  • Mutilation sans anesthésie, soit par coquetterie de goût pour le consommateur, soit pour éviter les comportements cannibales entre animaux, engendrés par la densité au mètre carré et l’ennui (ce qui ne suffit pas car les plaies ouvertes dues aux morsures sont très communes). Par exemple on coupe la queue des porcelets pour éviter que leurs congénères la mordent et on coupe le bec des poules pour éviter qu’elles se picorent entre elles. Les porcelets mâles sont castrés à vif pour éviter que la viande de porc ne développe une odeur désagréable à la cuisson (ce qui arriverait uniquement dans 3% des cas si on ne les castrait pas). Messieurs, on vous laisse imagine. Mesdames, ne soyez pas jalouses, les femelles ne sont pas en reste non plus :
  • Séparation de la mère d’avec ses petits peu de temps après la naissance. Dans l’industrie laitière, le veau est ainsi séparé de la vache quelques heures ou jours après la naissance, pour ne pas qu’il tête sa mère : non sa production de lait est réservée à nous autre humains et humaines !
  • Broyage / gazage des poussins mâles dans la filière des poules pondeuses, qui ne représentent aucun intérêt économique pour l’industrie, puisque jusqu’à preuve du contraire, un coq ne peut pas pondre d’oeufs. Ils sont donc gazés ou broyés vivants à la naissance, pick your choice.
  • Sélection génétique (à ne pas confondre avec la modification génétique) dans un souci de performance. Cela génère des difformités douloureuses pour l’animal. Par exemple, les mamelles des vaches laitières sont devenues tellement lourdes que beaucoup boitent.

    boeuf selection génétique

    La race Blanc Bleu Belge est issue de la sélection génétique pour qu’ils aient un max de muscle.

Les conditions sont si terribles que de nombreux animaux n’y survivent pas (jusqu’à 20% de perte dans le cas des élevages porcins). Mais ça revient quand même moins cher que de réduire le nombre d’animaux au mètre carré, alors où est le problème ?Capture d’écran 2015-06-04 à 19.03.25

B/ La durée de vie des animaux d’élevage

Elle est courte. Très courte même. Puisqu’on est dans une logique de rentabilité, on abat les animaux lorsqu’ils ont atteint leur poids maximal, et on les remplace aussitôt par d’autres animaux à engraisser, et ainsi de suite. Ainsi un poulet de chair d’une filière classique est abattu au bout de 42 jours alors qu’il pourrait vivre 8 ans et un porc à 6 mois alors qu’il a une durée de vie de 15 ans. A titre de comparaison, rapporté à un humain ayant une espérance de vie de 80 ans, ça reviendrait à tuer un enfant de moins de 3 ans.

Les vaches laitières et les poules pondeuses vivent plus longtemps car elles sont exploitées pour les œufs et le lait. Elles sont envoyées à l’abattoir quand leur performance baisse. Il revient en effet moins cher à un éleveur de racheter un stock de poules pondeuses au bout de 16 mois que de garder les anciennes qui vont pondre moins d’œufs.

durée de vie élevage industriel

L’abattage

Après l’élevage, vient l’abattoir. Il faut y aller à l’abattoir : ça veut dire des heures et des heures de route confinés dans des camions surpeuplés. Il arrive fréquemment que des animaux meurent en route des suites du stress ou des conditions (chaleur, déshydratation, etc.).

Mais à la limite, ceux-là sont presque plus chanceux que les survivants, qui vont être abattus à la chaîne dans des abattoirs qui ne respectent pas toujours les normes. Il est ainsi courant d’avoir des animaux toujours conscients au moment où ils sont dépecés, puisque l’étourdissement préalable ne fonctionne pas toujours. Il existe par ailleurs des dérogations à l’étourdissement préalable, initialement pour des raisons religieuses, mais qui sont aujourd’hui presque la norme. Dans ce cas là, l’animal est pendu, conscient, par les pattes, et égorgé pour le vider de son sang.

Je traite de ce sujet plus en détail dans un article consacré au mythe de la viande heureuse.

 

Quid de l’élevage traditionnel ?

Si vous pensez que ce que je décris là est une exception, détrompez vous. En France, 80% des animaux sont issus de l’élevage industriel. Les 20% restant représentent l’élevage dit « traditionnel », dans lequel les conditions d’élevage seront effectivement meilleures (l’animal aura sans doute un accès à l’extérieur, la densité d’animaux au mètre carré et moindre et ils auront plus de place pour se mouvoir).
Cependant, même dans ce type d’élevage où la concentration est réduite, les autres pratiques persistent généralement (mutilations, séparation des mères et petits, broyage / gazage des poussins mâles, etc.) et la durée de vie est sensiblement identique. Quant à l’euphémisme de l’abattage « humain », ça n’existe pas, il faut arrêter avec cette idée fausse pour se donner bonne conscience.

Donc oui, l’élevage traditionnel c’est mieux, mais ça ne règle absolument pas le problème des mauvais traitements liés à l’exploitation des animaux dans l’industrie agroalimentaire, ni la question centrale de l’intérêt à vivre de l’animal.

elevage industriel en france

Les effets sur la planète des élevages intensifs

Comme si le mauvais traitement infligé aux animaux ne suffisait pas, l’élevage intensif a des effets particulièrement néfastes sur la planète. Par exemple :

  • Il est responsable de 14,5%[2] des gaz à effet de serre (GES), soit autant que le secteur des transports. On pense souvent au dioxyde de carbone quand on parle de GES, mais il y a aussi le méthane qui a un potentiel de réchauffement climatique 300 fois plus élevé que le dioxyde de carbone et que les bovins rejettent par leurs rots et pets.
  • C’est un facteur majeur de déforestation puisqu’on coupe des arbres pour y mettre des cultures céréalières qui serviront ensuite à nourrir le bétail. Selon Greenpeace, l’élevage est responsable de 63% de la déforestation de l’Amazonie. Une conséquence directe sur toutes les espèces qui y vivent (rappelons que 30 000 espèces disparaitraient chaque année).

 

Ce que vous pouvez faire

Quand on découvre cela, on ne peut être que révolté. A moins d’être un gros psychopathe qui prenne son pied à voir des animaux souffrir, je pense qu’on peut tous être d’accord pour dire que les animaux n’ont rien fait pour mériter de tels traitements. Il n’y a pas besoin d’être un amoureux des bêtes pour être sensible à leur souffrance.
Donc comment agir ? Tout le monde peut lutter contre l’élevage industriel, et c’est très facile! Vous êtes prêt? Roulement de tambour… Le secret c’est que si vous ne voulez pas cautionner ce modèle, que ce soit pour des raisons d’éthique animale, par souci écologique ou autre, alors n’achetez pas. Tout simplement. Si vous ne vous sentez pas prêt à devenir végétalien, puisque ce processus peut prendre du temps, alors consommer moins de viande et de poisson est déjà un pas dans le bon sens.

Coluche veganisme

[bctt tweet= »Après Windows pour les Nuls, l’élevage industriel pour les Nuls!  » username= »Madame_Carotte »]

 

POUR ALLER PLUS LOIN :

Mythe #4 : « la viande heureuse »

Et l’Homme créa la vache [Docu]

 

[1] [2] FAO

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