Lu, Vu, Entendu #2 : Publispécisme, Pression du Temps et Oppressions systémiques

Une revue du web par le blog La Carotte Masquée

Et c’est parti pour la 2ème édition du « Lu, Vu, Entendu », que je tenterai donc de publier trimestriellement ! Merci pour votre accueil enthousiaste pour cette rubrique 🙂


Animaux

  • [VIDEO COUP DE COEUR] Publispécisme : décryptage d’un outil au service de l’exploitation animale (Intervention d’Axelle Playoust lors du dernier Festival végane de Montréal).
    Une vidéo qui mériterait largement plus de vues que ça… Le publispécisme fait référence à la manière dont la publicité entretient le spécisme. La vidéo s’ouvre sur le constat que les industriels eux-mêmes admettent qu’il n’est pas souhaitable que le consommateur fasse le lien entre le produit fini qu’il achète et l’animal dont il provient. Pour se faire, la pub a recours à plusieurs techniques, comme par exemple la réification (réduire un individu à une chose, un objet), la viandisation (l’idée que l’animal n’est pas un individu à part entière, mais de la viande qui ne serait pas encore morte), le suicide food (les animaux sont ravis de s’autosacrifier pour notre plaisir gustatif comme chacun sait) ou encore le carnosexisme (la virilité associée à la consommation de viande, avec des représentations sexistes qui en découlent dans le monde publicitaire). Ce publispécisme contribue grandement à banaliser la violence faite aux animaux, il est donc nécessaire de le contrer. En le dénonçant d’une part, comme le fait l’initiative Je suis une pub spécisteet en interrogeant ce consensus par la diffusion d’autres images dans l’espace public (comme des vidéos d’abattoirs).

  • Côté militantisme, une réflexion pragmatique de The Vegan Strategist (traduite ici en français) sur une question que beaucoup se posent : « Comment véganiser les gens ? ». L’accompagnement est citée comme une des clés : il ne suffit pas de dénoncer, il faut pouvoir proposer des solutions. C’est par exemple ce que fait L214 avec des initiatives telles que le Veggie Challenge, Vegoresto ou le site Vegan-pratique dont Brigitte Gothière parle dans cette interview. Autre sujet qui a son importance : le sexisme dans le mouvement végane (traduction d’un article de Métanie Joy). On pourrait penser que les personnes du mouvement végane, conscientes que le spécisme est une oppression, ne reproduisent pas d’autres schémas d’oppression. Ce n’est malheureusement pas le cas.

 

  • Petit point sur le droit animal. La Fondation 30 millions d’Amis a publié récemment « Code Animal », un ouvrage qui recense les textes européens et français concernant le droit des animaux, mettant ainsi en évidence les différences de traitement entre animaux en fonction qu’ils soient des animaux dits domestiques, d’élevages ou sauvages. Un pas vers un statut juridique de l’animal ?

 

  • Enfin, un texte d’Yves Bonnardel sur les questions centrales que soulèvent un monde sans élevage (comme par exemple la viabilité d’une agriculture sans utilisation de fumier ou lisier). Il s’agit de pistes de réponse, mais le point central de l’argumentation d’Yves Bonnardel est que les considérations éthiques doivent primer sur les conséquences pratiques; les questions en suspens ne sont pas une raison valable pour nous faire accepter des situations moralement condamnables.

 


Planète

  • L’impact des banques : j’avais déjà consacré un article sur le sujet des banques éthiques, j’en remets une couche avec cette BD de Causette qui explique de manière claire et concise comment l’argent sur votre compte en banque peut nuire à la planète, en parfaite contradiction avec tous les efforts que vous pouvez par ailleurs faire au quotidien.

  • En terme d’impact néfaste sur la planète, on ne pense pas non plus beaucoup à Internet …  Pourtant, si l’on en croit cet article de Mr Mondialisation sur le coût écologique d’Internet, un Data Center consomme autant d’électricité en un jour qu‘une ville de 30 000 habitants! Quelques pistes pour limiter notre impact individuel sont aussi données comme limiter l’envoi / la réception d’emails (vous pouvez par exemple vous désinscrire des newsletters qui polluent votre boîte email avec des services tels que Unroll.me) et utiliser un moteur de recherche plus responsable comme Lilo ou Ecosia. De bien minuscules éco-gestes face à l’ampleur du problème dont nous faisons tous et toutes partie, j’en ai bien conscience.

 


Soi / Société

  • La pression du temps, ça vous parle ? Je suis probablement loin d’être la seule à avoir souvent l’impression de courir après le temps et de ne pas pouvoir faire tout ce que j’aimerais faire.
 Alors en février, j’ai relevé l’éco-défi de Natasha « Gérer son temps de manière plus durable » , dans le but de cheminer vers un meilleur équilibre entre militantisme, vie pro et vie perso. Une expérience qui s’est avérée très positive et dont j’ai dressé le bilan ici). 
Les articles de Florie m’aident aussi beaucoup à me libérer de la pression du temps. J’essaie ainsi depuis quelques semaines de remplacer ma to-do liste par une yattaliste (lister mes accomplissements plutôt que sur les choses que je n’ai pas eu le temps de faire). Autant dire que c’est bien plus valorisant de se dire « oh j’ai fait tout ça », plutôt que « oh, j’ai pas eu le temps de faire ça ou ça ».

 

  • Parlons oppression maintenant. Les oppressions systémiques sont nombreuses, et nous n’en avons pas forcément conscience, surtout si nous n’en sommes pas les victimes directes. Cet article sur le privilège blanc a particulièrement résonné en moi, qui suis effectivement privilégiée à bien des égards en tant que citoyenne blanche, valide et cisgenre. Je ne suis pas responsable de ce privilège, mais il est nécessaire d’en avoir conscience.

    En tant que femme, je subis cependant un autre type d’oppression : celui d’un système patriarcal très ancré. Celui-ci recouvre de très nombreuses facettes. L’une d’elle est une pression insidieuse pour se conformer à une apparence physique assez normée (l’épilation par exemple, on en parle ?). Le documentaire « Miss Representation » (disponible également sur Netflix) cherche à mettre en évidence la responsabilité des médias dans ce processus. Les femmes sont non seulement sous-représentées dans les médias par rapport aux hommes (selon le documentaire, seuls 16% des protagonistes dans les films seraient des femmes), mais également mal-représentées (toujours jeunes et belles – alors que les femmes de moins de 40 ans représentent 39% de la population, elles sont 71% à la télé). Peut-être encore plus inquiétante est la représentation inéquitable des genres dans les livres pour enfants. Cette expérience de Rebel Girls est pour le moins déconcertante : elle met en avant la difficulté à trouver des livres pour enfants dans lesquels les personnages féminins ont leurs aspirations propres, et n’attendant pas seulement le prince charmant. Ce sont surtout les données d’études citées en bas de la vidéo qui sont intéressantes et révélatrices du décalage de représentation entre les personnages masculins et féminins.

    Enfin, pour l’altermondialiste que je suis, les relations géopolitiques Nord-Sud m’apparaissent également comme oppressives à bien des égards. Les personnes en situation d’extrême pauvreté sont majoritairement dans les pays dits « en voie de développement ». Dans cet article de Basta sur le creusement des inégalités, on apprend par exemple qu’en 2017, 82% des richesses créées ont bénéficié aux 1% les plus riches. Voilà voilà… Bonne ambiance donc.

 

 

Bonus

Comme d’habitude, un petit chiffre et un artiste engagé à la fin de chaque revue 🙂

Côté chiffre, on entend souvent qu’il y a 60 milliards d’animaux terrestres tués chaque année pour notre consommation, et entre 1000 et 3000 milliards d’animaux marins (en fonction des estimations), soit entre 94 et 98% des animaux tués. Les animaux marins sont donc les 1ères victimes du spécisme, de très très loin.

Visuel créé par moi-même à l’occasion de la Journée Mondiale pour la fin de la pêche le 24 mars. En savoir plus : https://www.end-of-fishing.org/fr/

 

Côté artiste, je suis une fan inconditionnelle du travail de Steve Cutts. Ses illustrations et vidéos d’animation satiriques dénoncent les dérives du monde moderne avec brio. La vidéo ci-dessous « MAN », est de loin celle qui a fait le plus grand nombre de vues, mais celle sur la recherche du bonheur est aussi géniale, tout autant que celle qu’il a faite pour le clip de Moby & The Void Pacific Choir sur notre dépendance digitale.

 

That’s all for now 🙂 Si cette revue vous a plu, n’hésitez pas à me faire part de vos commentaires.

[bctt tweet= »Lu, Vu, Entendu #2 : Publispécisme, Pression du temps et Oppressions systémiques » username= »Madame_Carotte »]

 

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15 Comments

  1. 1

    Merci pour cette nouvelle revue ! Tu nous as encore déniché des perles *.*

    PS : j’adore ton Pinterest. Je pourrais y passer des heures… Mais je n’aurais plus le temps pour lire/regarder tout ce que tu nous as partagé 😛

  2. 3

    Hello !

    Cette revue m’a (beaucoup !) plu, alors je t’en fais part en commentaire. :p
    Bon, certes, c’est pas ça qui va faire diminuer mon impact écologique d’internet, mais ça reste des liens variés et super intéressants, merci !

    Juste une remarque : je n’arrive pas à accéder à l’article sur le privilège blanc (pourtant ça m’intéresse de lire davantage à ce sujet), ça me met que le site revient en septembre. Il y a un moyen de le lire à un autre endroit ?

    Ah et autre chose : je pense que j’aurais encore plus aimé l’article sur les bases de l’esprit critique si tu avais juste « teasé » sur le caractère remarquable de celle qui a mis en place ce protocole, sans donner explicitement l’info (mais c’est juste pour chipoter, ça ^^).

    Sur ce, il me reste la vidéo d’Axelle Playoust (je me suis dit que je gardais le meilleur pour la fin).

    • 4
      • 5

        Merci pour le lien. C’est encore une fois super intéressant, notamment le double aspect pauvreté/blancheur de peau, et les différents exemples auxquels j’avais pas forcément pensé (représentation dans les médias et autres, etc.). Bon, ça fait toujours un peu bizarre de lire ça en tant que mec-blanc-cis-hétéro-gagnant-de-la-loterie-blabla, ça donne un peu envie de se cacher. Mais comme c’est dit, c’est important de le garder en tête autant qu’on peut, même si c’est pas « notre faute » et qu’on peut pas grand chose. La seule expérience que j’avais de l’intersectionnalisme revendiqué, c’était des envois dans la gueule de mon privilège comme si j’étais fautif, ou que mes arguments n’avaient pas à être pris en compte simplement du fait de mes privilèges, donc ça fait plaisir un texte éclairant et ni culpabilisateur ni démesuré. 🙂

        Bref, sinon, oui, super la vidéo sur le publispécisme ; je l’ai partagée à mon tour. ^^

        Merci encore pour toute cette « nourriture pour l’esprit ». 😉

        • 6

          Je comprends ce que tu veux dire. Je me suis longtemps (encore maintenant d’une certaine façon) sentie coupable de tous mes privilèges. Je me dis qu’en avoir conscience est déjà une 1ere etape necessaire pour mieux comprendre et aider les victimes d’oppression.

  3. 7

    Tout ça à l’air très intéressant et je vais regarder ça. Permet moi de te partager moi aussi un petit coup de coeur.
    10 points à connaitre lorsque l’on parle d’action directe :
    https://www.youtube.com/watch?v=L4oXFYOKgUs
    On peut bien sûre discuter les affirmation de Tiphaine Lagarde. Toutefois elle apporte des points de réflexions intéressants.

  4. 9
  5. 10

    Super cette sélection, je me mets ça de côté pour y revenir tranquillement ! Et merci beaucoup de m’avoir citée 😉

  6. 12

    Coucou 🙂

    Je n’ai pas lu le premier volet de cette série mais je vais illico m’y atteler car j’ai beaucoup aimé celle-ci !

    Par rapport à l’après agriculture actuelle, la phrase suivante m’apparaît à la fois pleine de bon sens mais également difficilement transmissible (aux gens non-véganes je veux dire) :
    « les questions en suspens ne sont pas une raison valable pour nous faire accepter des situations moralement condamnables. »
    Je n’ai pas encore lu ce texte mais ça y est, il est dans ma liste !

    Tous les points que tu évoques me parlent beaucoup. Et je fais le rapprochement entre ce que tu as écrit dans ton thread, à savoir que c’est la cause animale qui t’avait porté à embrasser d’autres causes. Cela a également été mon cas ! Enfin, sachant que c’est d’abord l’environnement qui m’a mené à la cause animale …

    Et je plussoie pour le blog de Irène, j’aime beaucoup beaucoup ! De la réflexion, une belle écriture, plein de questions qui émergent dans notre petite tête à sa lecture.

    Je ne connais absolument pas Steve Cutts, mais tu m’as donné envie de le découvrir 🙂

    • 13

      Je vois ce que tu veux dire, j’ai galéré sur la tournure de cette phrase d’ailleurs ! L’article d’Yves Bonnardel devrait clarifier tes eventuels doutes de comprehension 🙂
      On est d’accord: le blog d’Irène est bien trop génial, et Steve Cutts, bon c’est un peu mon idole ! Tu as aimé la video ?

      • 14

        Parfait, je vais tenter de le lire ce soir, je reviendrai si nécessaire ici après 🙂 mais disons que ce n’est pas avec ce genre de phrases que l’on se fait des amis ahah

        En fait, après avoir regardé ses autres vidéos, je me rends compte que je le connaissais, de par sa vidéo sur le bonheur qui m’avait beaucoup plue. J’adore la fin, ultra trash et qui m’a foutu un méchant mal de ventre ! À vrai dire, je la préfère même à celle de l’article car cette dernière m’apparaît un peu caricaturale – bien sur, je ne doute pas qu’il en ait conscience -, un peu dans l’opposition que tu dénonces d’ailleurs de : Nature = Bien vs Humains = Mal.
        Mais ce n’est pas pour autant que je n’apprécie pas son travail, je me rends bien compte qu’il faut prendre ce côté caricaturale en compte ! 🙂

        • 15

          Oui tout à fait il a une démarche cynique tout à fait assumée et donc caricaturale exprès. J’en suis personnellement très friande hehe 😉

          Pour ce qui est de se faire des amis, entre ceux / celles qui pensent que je n’en fais pas assez (« t’es pas une vraie vegane ») et ceux / celles qui pensent que j’en fais trop (« extremiste! »), j’ai fait le deuil d’une quelconque popularité avec ce blog ! Si tu vois une meilleure maniere de tourner la phrase apres ta lecture, n’hésite pas à me dire 🙂

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