Pourquoi les végans ne portent pas de soie?

Récemment, j’ai dû acheter un sari (après 6 mois en Inde, il était temps). Et je me suis alors retrouvée devant un problème de taille : tous les saris qu’on me montrait étaient en soie. Or, vegan et soie, ça ne fait pas bon ménage. Sauf que, quand on m’a demandée pourquoi, j’ai été incapable de formuler une réponse argumentée et expliquer clairement le problème de la soie. J’ai baragouiné trois phrases sur le fait que les chenilles étaient tuées, mais ça m’a permis de me rendre compte que j’étais pas du tout callée sur le sujet.

Autant pour la fourrure ou le cuir, c’est facile à comprendre. Autant pour la soie, peu de gens semblent au courant. Alors, j’ai voulu me renseigner et comprendre quel était exactement le problème avec la soie.

 

La sériciculture: 1500 chrysalides tuées pour 1 mètre carré de soie

Armée de mon ordi et d’une bonne connexion internet (enfin « bonne », tout est relatif en Inde), j’ai découvert que pour un sari, il faut tuer environ 15,000 chrysalides.

Explications. La soie est fabriquée à partir de cocons, jusque là c’est un secret pour personne. Mais ce cocon, il vient d’où exactement? Et bien il est produit par des chenilles pendant 4 jours, avant qu’elles ne se transforment en chrysalide. Ces chenilles sont vendues à des propriétaires de mûriers qui les goinfrent de feuilles de mûriers pendant environ 26 jours jusqu’à ce qu’elles tissent leur cocon. C’est à ce moment que les choses se corsent pour nos amis les insectes.

SILK-WORM-LIFECYCLEPour préserver le cocon intact, on ne peut pas laisser la chrysalide en sortir, sinon elle percerait le cocon et briserait le long fil qui le constitue (environ 1200 mètres), fil qui deviendrait dès lors invendable. Du coup, les chrysalides sont tuées avant qu’elles ne sortent de leurs cocons (enfin on est sympa quand même, on en garde quelques unes pour la reproduction). Plusieurs façons de faire ça. Soit on les ébouillante, soit on les cuit au four (il y a un petit côté « tu préfères mourir brûlée vive ou ébouillantée ? »). Généralement, c’est le four, cette technique permettant de « stocker » les cocons (ils seront de toute façon bouillis après, mais si on opte pour le bain bouillonnant, il faudrait immédiatement tisser le fil, donc moins pratique).

Qu’on ne s’y trompe pas. Il ne s’agit pas là d’une petite exploitation paysanne rurale qui élève 2 ou 3 cocons par ci par là. Il faut 1500 chrysalides en moyenne pour produire 1 mètre de soie. La grande majorité des cocons est donc issue d’élevages industriels, c’est ce qu’on appelle la sériciculture.

Silk-Worm-Farming

 

« Oh ça va, ce ne sont que des insectes »

C’est ce que beaucoup se diront en lisant cet article, je ne me fais pas d’illusion. Et effectivement, ça donne peut-être pas la larme à l’œil comme une vidéo d’un chien battu, mais quand même. Je ne dis pas qu’on ne doit plus écraser un moustique qui est en train de te piquer, ou que c’est la fin du monde si t’as le malheur de marcher sur un criquet. Mais il y a une différence entre ça et d’élever et tuer des milliers d’insectes pour un produit dont on peut clairement se passer. Est-ce qu’on trouverait acceptable de tuer comme ça pour le fun des milliers d’insectes ? Non. (Bon c’est vrai, quand j’avais 5 ans, avec ma cousine on a inondé une fourmilière. Est-ce que je le ferais aujourd’hui ? Bien sûr que non). Les insectes restent après tout des êtres vivants, dont l’existence n’a pas à être mise au service de l’Homme, et qui ont tout autant le droit d’être sur cette planète que nous.

De plus, on ne sait pas si les insectes ressentent la douleur. Les scientifiques ne s’accordent pas sur ce sujet. Il est clair que la douleur ne serait pas la même que celle que nous ressentons puisque le système nerveux est différent du nôtre, mais nous n’avons pas toutes les réponses. Et dans le doute, je pense qu’on a le devoir de s’abstenir.

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Bref, si c’est ça le prix à payer pour ce tissu « de luxe », je m’en passe avec plaisir. Les crèmes de luxe aussi d’ailleurs. Car la soie n’est pas uniquement utilisée dans le textile, mais aussi dans les cosmétiques (notamment crèmes et shampoings) pour ses vertus hydratantes / adoucissantes / fortifiantes. Attention donc aux ingrédients type « poudre de soie », « protéine de soie » et autres petits noms sympas pour vous faire croire que vous serez jeune éternellement.

Sinon, le chanvre ou le coton (bio) c’est bien aussi.

La carotte masquee

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18 Comments

  1. 1

    Hello ! Tiens, je ne connaissais pas du tout le mode de fabrication de la soie ! En effet comme tu le dis ce sont des insectes mais bon… à t-on vraiment besoin de la soie ? Je ne pense pas… !
    Merci d’avoir éclairé mes lanternes, je me coucherai moins bête ce soir 😀

    • 2

      Merci Emeline, je suis entièrement d’accord, comme tu peux t’en douter. Ce n’est pas la seule matière qui existe, donc on pourrait tout à fait s’en passer. Je n’ai pas non plus détaillé dans cet article les abus dont sont victimes les travailleurs, mais niveau humain, c’est également loin d’être tout rose. Les enfants sont par exemple souvent sollicités dans cette industrie, du fait de la petite taille de leurs mains, et ils finissent avec des cloques et des brûlures car la soie est ébouillantée :-(.

  2. 4

    Bonjour, Très intéressant cet article, comme beaucoup d’autres sur ton blog. Je ne pensais pas qu’il fallait tuer les papillons ! Et dire que je trouvais que nous étions informés aujourd’hui… encore faut il se poser la bonne question ! Le sari en coton alors ? :o) Bonne semaine.

    • 5

      Bonjour Nat, merci beaucoup 🙂
      Et oui, malheureusement la sériculture entraîne nécessairement la mort des papillons. La soie portant le label « Ahimsa » se dit plus éthique et laisse le papillon sortir du cocon, n’utilisant ainsi que les cocons abimés. Cependant, j’ai aussi lu beaucoup de critiques sur ce label, donc je ne me prononce pas sur sa fiabilité. Pour moi, même si c’est un « moindre mal », l’idée de cultiver des papillons (même sans les tuer) pour un tissu dont je peux aisément me passer, me met mal à l’aise. Du coup, oui sari en coton ^-^ (mais là se posent d’autres questions: coton équitable? Comment est-ce produit? Conditions des salariés? etc. Difficile de savoir devant l’opacité de la chaîne de production).
      Bonne semaine à toi aussi !
      Aurélia

  3. 6

    Bonjour, j’ai une question toute bête. Combien de millions d’insectes tués pour un champ de salade ? Faut allez au bout de ses convictions et pas garder que ce qui nous arrange. Bonne continuation…

    • 7

      Bonjour Nawak,
      Mais tu as entièrement raison, il y a aussi des insectes tués pour les champs de salade, et des champs de tomates, et de patates, et de soja, etc. Etre vegan ne signifie d’ailleurs pas être parfait, mais on peut tout de même essayer d’avoir une consommation la plus responsable et éthique possible (je t’invite à lire à ce sujet mon article « Pourquoi il est impossible d’être 100% vegan mais qu’on devrait quand même essayer »). Sachant que les personnes ayant une alimentation végétale tuent pour leur consommation moins d’insectes qu’une personne qui mange de la viande (il faut le nourrir le bétail -> culture intensive du soja, avec pesticides et compagnie, donc pas très insecte-friendly).
      Par ailleurs, je ne garde pas ici « ce qui m’arrange » comme tu dis, je souligne simplement qu’on peut se tourner vers des alternatives plutôt que d’acheter de la soie. Qu’est-ce qui te choque dans cette idée? Et surtout, si tu fais partie de la ligue de protection de vers de terre, quelle solution proposes-tu pour éviter de leur faire du mal? Je suis tout ouïe.
      Bien sûr, de part le ton accusateur de ton message, j’en déduis que cette remarque n’a rien voir avec ton amour inconditionnel pour les insectes, mais plutôt une petite pique gratuite sans fondement. Je te souhaite donc une bonne continuation également, hors de ce blog si les idées qui y sont développées ne t’intéressent pas.

  4. 8
  5. 10

    Moi je le dis qu’on doit pas écraser un moustique en train de te piquer. Lui il récolte du sang pour pouvoir pondre sa progéniture, toi tu pers l’équivalent de 0,000000001% du sang de ton corps.
    Le tuer alors qu’il ne te cause aucun dommage c’est juste de l’égoïsme. C’est du même genre que « touche pas à mon steak ».

    • 11

      Je comprends ton point de Augustin. Tuer un moustique est effectivement une forme de spécisme. En revanche, je ne mettrais pas sur le même plan que manger de la viande, car dans le cas de « touche pas à mon steak », c’est uniquement par plaisir gustatif. Dans le cas du moustique, tu n’en tires aucun plaisir, tu agis en défense pour préserver ton intégrité physique (ce serait pareil si un chien m’attaquait), et même en « légitime défense » dans des pays où le moustique transmet le paludisme et la dengue (le moustique est l’animal le plus dangereux au monde pour l’homme). Vivant en Inde où le paludisme est très présent, j’ai personnellement pas envie de prendre ce risque. L’idéal restant encore de les éloigner.

  6. 12

    En cherchant un article sur les chrysalides je suis tombée sur votre article relatant la fabrication de la soie. J’avais effectivement lu dans un livre (acheté tout récemment) pour les Végans que les chenilles étaient tuées, mais maintenant, grâce à vos explications, je comprends tout le processus. Merci pour ce partage.
    Je suis complètement d’accord pour vos réponses qui spécifient que ce qui n’est pas nécessaire, si on peut faire différemment, quand il y a la MORT pour l’animal (quelqu’il soit) à la clé, il est indispensable de trouver des alternatives. Avec internet et tous les livres, tous les reportages relatant des questions de souffrance animal, de suprématie de l’homme sur l’animal… il est devenu impossible de se mentir à soi-même et de le nier et par là, impossible de ne pas agir différemment pour l’éviter et le transmettre… La violence commence ICI je pense, c’est comme une sorte de supériorité humaine mal placée qui nous laisserait finalement le « droit » à tous les débordements au final… avec toutes les espèces animales… et pire avec ses congénères…
    RESPONSABLES, c’est là la vraie liberté, à mon sens. Avant (il y a 30 ans env) je ne savais pas tout ça, mais je l’ai intégré de plus en plus dans ma façon d’agir, d’être et ma façon de manger. N’oublions pas qu’avant les années 1940/1950, on pensait encore qu’un nourrisson ne pouvait pas ressentir de souffrance… C’est incroyable de l’avoir découvert si tard, c’est illogique même!!!
    C’est certain, cela demande BEAUCOUP d’efforts, c’est vraiment plus difficile au quotidien de faire attention à une foule de choses, mais c’est ça: ne pas être égoïste! On vit tous sur la même planète. Nous devons nous RESPECTER mutuellement! En plus, quand nous respectons un animal, il nous le rend au centuple…
    Bonne continuation à vous et merci pour vos commentaires 🙂
    Claudia

    • 13

      Merci Claudia pour ce beau témoignage. Vous dîtes les choses simplement et avec bienveillance, et je vous rejoins tellement sur votre conception de l’Homme comme une espèce parmi d’autres, et qui a, contrairement aux autres, la possibilité de choisir.
      J’espère avoir le plaisir de retrouver d’autres de vos commentaires à l’avenir 🙂
      Aurélia

  7. 14

    bonjour,je découvre avec beaucoup d’interet votre blog,et sur cet article en particulier,je voulais vous dire qu’il me semblait qu’en Inde,très fréquemment ce qui est appelé « soie » serait une soie synthétique,Qu’en pensez-vous

    • 15

      Bonjour Martine, et merci pour ce gentil retour.
      Alors j’ai effectivement entendue parler de cette « soie synthétique », mais personne n’a été en mesure de m’expliquer comment elle est fabriquée, et si vraiment aucun vers n’étaient utilisé. En ce sens, je ne suis pas certaine qu’elle soit dépourvue d’exploitation animale. Je reste très prudente car l’état du Karnataka est un gros producteur de soie. Cependant il ne serait pas étonnant qu’une offre alternative existe, puisque les jaïns refuse également la soie par conviction religieuse.
      Je vais continuer à me renseigner et espère pouvoir vous fournir une réponse un peu plus détaillée.
      Bonne journée,
      Aurélia

      • 16

        Bonsoir,
        Il me semble avoir lu que pour la fabrication de la soie il fallait tuer les vers à soie en les brûlant, voilà pourquoi les vegans ne portent pas de soie.
        Maintenant, s’il existe de la soie synthétique, je ne sais pas du tout, il est vrai que ça serait une bonne alternative…
        J’aimerai aussi savoir…
        Autre thème, autre débat, tout à l’heure j’ai vu qu’un parti animaliste se présentait aux législatives, je trouve qu’il s’agit d’une excellente initiative (protection animaux, bannir leur souffrance, durcir les lois vis à vis des personnes maltraitantes…etc): ça fait du bien de voir ça.
        Bonne soirée,
        Claudia

  8. 17

    oup’s, je viens de voir que vous avez fait tout un exposé sur la soie plus haut sur le blog

    ça m’est revenu à peine après l’envoi de ma réponse
    sorry

    • 18

      Pas de problème Claudia 🙂
      Je vais effectivement me renseigner pour cette « soie synthétique ». Si elle est faite de manière éthique (et j’entends pour l’animal, l’homme et la planète), ce serait alors effectivement une très bonne nouvelle!
      quant au parti animaliste, c’est certain que c’est une grande avancée, ne serait-ce que pour sensibiliser l’opinion publique a la question des animaux non-humains: leurs droits, leurs places, etc. et surtout nos devoirs envers eux. Espérons que son existence pourra faire avancer le débat sur la scène politique 🙂

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