Un autre regard sur … le travail des enfants

Un autre regard sur le travail des enfants

Article un peu différent des autres aujourd’hui. Sur un sujet délicat : le travail des enfants. Le point de vue des Occidentaux sur la question est très tranché : c’est immoral, abject, à interdire, un point c’est tout, on clôt le débat. Hop, sujet suivant.

C’était d’ailleurs aussi mon point de vue il y a encore un an. Je me disais que les parents qui envoyaient travailler leurs enfants ne méritaient pas d’en avoir. Depuis que je vis en Inde et que j’y suis confrontée chaque jour, je me suis cependant rendue compte que ce sujet est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Loin de moi l’idée d’encourager le travail des enfants, mais j’aimerais y apporter un autre regard. Un regard qui prend en compte certains aspects pratiques auxquels on ne pense pas forcément quand on aborde un problème sous son aspect purement théorique.

 

Déjà, le travail des enfants, c’est quoi ?

L’Organisation International du Travail (OIT) qualifie de « travail des enfants » des cas bien spécifiques. Il fait référence à des travaux ayant une ou plusieurs des caractéristiques suivantes :

  • dangereux pour la santé et le développement physique, social ou mental des enfants;
  • compromettant leur éducation (en les privant de toute scolarisation ou en les contraignant à abandonner prématurément l’école);
  • les obligeant à accumuler des activités scolaires et professionnelles excessivement longues et trop pénibles pour eux.

Toujours selon l’OIT, cette définition engloberait 168 millions d’enfants de 5 à 17 ans à travers le monde.

Ainsi, aider un parent après l’école dans la petite boutique familial ou travailler pour gagner de l’argent de poche ne rentre pas dans cette catégorie. Avant de tirer des conclusions hâtives lorsque vous voyez des enfants travailler, dîtes vous donc que cela ne signifie pas nécessairement que cet enfant est exploité et déscolarisé.

Maintenant que les bases sont posées, regardons de plus près certaines idées reçues sur le travail des enfants.

 

Les idées reçues sur le travail des enfants 

1. « Le travail des enfants, c’est de l’esclavage »

Quand on pense travail des enfants, on visualise immédiatement des enfants dans des usines textiles (autrement appelés « sweatshops »), des enfants soldats, des victimes de prostitution ou pédo-pornographie, ou encore des enfants exploités dans les secteurs miniers ou diamantaires. Comme cet enfant de 4 ans travaillant dans une carrière (Bénin).

Crédit photo: Lifehack

Ces cas existent malheureusement bel et bien et sont une fois de plus un témoignage saisissant que l’Homme est capable du pire. Ils sont qualifiés par l’OIT comme étant les « pires formes » du travail des enfants, et effectivement, il n’y a aucune excuse valable pour les relativiser. Quelques chiffres nous montrent heureusement que dans la majorité des cas, le travail des enfants, c’est autre chose :

  • Près de 60% du travail des enfants se situe dans le secteur de l’agriculture.
  • 70% du travail des enfants a lieu dans les milieux ruraux.
  • 2/3 des enfants travaillent aux côtés de leurs parents.

Souvent donc, le travail des enfants fait référence à des enfants travaillant avec leurs parents dans le domaine de l’agriculture (champs, pêche, cultures de céréales, etc.). Est-ce moralement acceptable pour autant ? C’est précisément sur ces cas-là que je voudrais me pencher dans la suite de cet article.

Source: OIT

Source: OIT

2. « Les enfants devraient aller à l’école à la place »

Cette idée reçue, bien que partant d’une bonne intention, pêche à trois niveaux.

Primo, dans l’esprit de la plupart des Occidentaux, école = passage obligé pour réussir professionnellement. C’est peut-être vrai pour les pays Occidentaux où il y a une surenchère des diplômes, mais dans des pays comme l’Inde où la majorité des personnes vit de l’agriculture, les perspectives d’avenir existent heureusement même sans diplôme. Bien sûr, grimper sur l’échelle sociale sera plus facile pour quelqu’un sachant lire et écrire, donc les enfants ont tout intérêt à recevoir une éducation. Mais je voulais simplement souligner que ce n’est pas parce que quelqu’un est analphabète qu’il ne trouvera jamais de travail.

 

Deuxio, nous avons comme benchmark nos propres écoles françaises, à savoir des écoles avec des murs, des tables, des chaises, des toilettes, accessibles par les transports, avec maximum 30 élèves par classe, etc. Autant dire que ce genre d’écoles représente une minorité des écoles en Inde : 65% seulement disposent de toilettes[1], 19% ont un ordinateur, 51% des classes dépassent les ratios professeurs / élèves prévus. J’ai eu l’occasion de visiter des écoles rurales qui n’avaient effectivement pas de toilettes; pour se soulager, les enfants allaient derrière l’école, où un petit muret avait été érigé à cet effet… Cela a une conséquence directe sur l’absentéisme, surtout des filles, notamment les jours de leurs règles.

Crédit: Nihal Parashar

Classe d’école en milieu rural (Inde). Crédit: Nihal Parashar

Et enfin, bien que l’état indien alloue de plus en plus de fonds à l’amélioration des infrastructures et des équipements, reste le principal problème : la qualité de l’enseignement. Le niveau de l’enseignement est en effet déplorable. Pour vous donner une idée : environ la moitié des élèves de CM2 ne savent pas lire un texte de niveau CE1, et près de 20% des élèves de CE1 ne savent pas reconnaître les chiffres de 0 à 9, un chiffre en constante augmentation depuis les 5 dernières années. [2] Cela est notamment dû au fait que les professeurs ne sont pas ou à peine formés. Il n’est par exemple pas rare du tout qu’ils doivent apprendre l’anglais aux élèves alors qu’eux-mêmes ne le parlent pas !

 

3. « Les parents faisant travailler leurs enfants sont de mauvais parents »

C’est un peu une conséquence de l’idée reçue précédente, et probablement le cliché le plus ancré dans nos esprits. Comment les parents peuvent-ils envoyer leurs enfants travailler plutôt que de les envoyer à l’école ? C’est quelque chose qui –avec notre référentiel occidental- nous dépasse complètement. Le raccourci du parent irresponsable est vite établi, comme en témoigne la photo ci-dessous.

Crédit: Lifehack

Crédit: Lifehack

Mais les parents ne sont pas bêtes. Beaucoup avouent volontiers qu’ils aimeraient envoyer leurs enfants à l’école. Mais ne le font pas car ils savent pertinemment que l’enseignement dispensé ne permettra pas à leurs enfants d’acquérir les compétences requises pour décrocher des meilleurs postes. A la place, ils font un choix pratique : former leurs enfants à des métiers qu’ils maîtrisent eux-mêmes. L’apprentissage par le travail plutôt que la scolarité : voilà un choix qui apparaît comme bien plus sûr et pertinent pour de nombreux parents. La médiocrité du système éducatif est donc une des principales causes du travail des enfants, quelle ironie du sort!

 

Par ailleurs, dans un pays où 68.7% de la population vit avec moins de 2$ par jour, le travail des enfants est une question de survie pour des millions de familles (le revenu des enfants peut représenter jusqu’à 40% des revenus du foyer). C’est triste, mais c’est la réalité de ce système ultra-capitaliste qui creuse sans cesse les inégalités. Posez-vous la question de ce que vous feriez à la place d’un parent ayant 4 bouches à nourrir. Si vous avez le choix entre envoyer votre enfant travailler (et ainsi avoir l’assurance de quelques roupies supplémentaires) ou l’envoyer à l’école sans pouvoir le nourrir le soir ni aucune certitude que ce qu’il apprend à l’école lui servira, est-ce encore vraiment un choix ?

 

Non, cet article ne promeut pas le travail des enfants !

J’espère que vous l’aurez compris. Son but est simplement de nuancer l’approche un peu simpliste « tout blanc ou tout noir » qu’on peut avoir sur la question lorsqu’on n’y a jamais été confronté, et faire prendre conscience que les parents décidant de faire travailler leurs enfants ne sont pas forcément aussi irresponsables qu’on voudrait bien nous le faire croire.

Bien sûr, je souhaite un idéal de société dans lequel tous les parents gagneraient assez d’argent pour nourrir leurs enfants, toutes les écoles seraient dans de bonnes conditions et emploieraient des professeurs formés et qualifiés qui permettraient aux élèves de s’épanouir et développer leurs potentiels. Malheureusement, nous ne vivons pas dans cet idéal, et la réalité est bien différente. Frapper du poing en disant qu’il faut interdire le travail des enfants part certes d’une bonne intention, mais sera inefficace si on ne s’attaque pas aux causes du problème (preuve en est que la législation de nombreux pays interdit déjà le travail des enfants, sans grand succès).

Une meilleure qualité d’enseignement couplée à un changement de modèle économique seraient de bons points de départ. Et chaque consommateur a son rôle à jouer sur ce deuxième point. Rappelons qu’acheter, c’est voter ! Chercher à acheter toujours moins cher, c’est un vote contre les conditions sociales des travailleurs, qui pousse nécessairement à des abus comme le travail des enfants (un enfant coûtant moins cher qu’un adulte comme main-d’œuvre).

 

Merci d’avoir pris le temps de lire cet article, pas des plus funky je vous l’accorde! Comme toujours, n’hésitez pas à me faire part de vos commentaires pour apporter plus de profondeur à cette question délicate.

 

La Carotte Masquee

[1] Rapport ASER (Annual Status of Education Report) 2014

[2] Rapport ASER (Annual Status of Education Report) 2014

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16 Comments

  1. 1

    Bel article :o) Il me semble que nous avons la mémoire courte par ici avec nos préjugés et idées préconçues ! Remontons simplement de 60 ans en arrière : beaucoup d’enfants travaillaient aux champs l’après midi, voir la journée entière, particulièrement quand c’était l’époque des moissons. il était vital que cette dernière soit à l’abri des éventuels intempéries. Au mieux on donnait un coup de main en rentrant de l’école. Le travail au champs permet d’avoir à manger pour le reste de l’année, à tout le monde y compris les enfants … Ce qui était peut être encore plus important après la guerre ou la main d’œuvre masculine manquait contrairement aux privations de nourriture.
    Les enfants travaillaient aussi dans les mines de charbon avant l’arrivée de machines spécialisées, ils y étaient très utiles de par leur petite taille …
    Pour un enfant il était « naturel » de suivre ses parents là ou ils allaient (personne n’avait le choix) de faire comme eux, et d’aider à gagner quelques sous pendant ou après les horaires d’école car les salaires étaient très bas.
    Je suis sure qu’il en existe encore aujourd’hui France et en Europe …
    Ce n’est pas parce que nous avons un système éducatif obligatoire que nos enfants auront un métier, ni qu’ils n’aident plus à différents travaux « pour donner un coup de main », même si les possibilités se réduisent avec les machines pour les grandes exploitations, mais tout le monde n’est pas grand propriétaire terrien…

    • 2

      merci Nat. Oui je te rejoins, nous sommes aussi passé par là. Est-ce un passage obligé pour le développement économique? Ca je ne sais pas, mais une chose est sure: il est plus difficile pour les pays dits « en développement » (je n’aime pas cette expression..) de se défaire de ces pratiques, puisqu’ils se sont spécialisés selon certains secteurs (exportation de denrées alimentaires et main d’oeuvre pas chère notamment) et sont devenus dépendant des multinationales qui veulent réduire leurs coûts à tout prix. C’est difficile dans ce contexte de « dépendance » à d’autres puissances économiques (l’occident) de se libérer de ce fléau, et le chemin m’apparaît plus long que celui que la France a pu emprunter après la guerre par exemple. J’espère me tromper !

  2. 3

    Bravo pour cette article nuancé et très intéressant. Cette situation me fait un peu penser à celle des mères porteuses dans les pays « du sud ». C’était ma prof de bioéthique qui nous avait fait remarqué que nous calquions nos valeurs et nos référentiels pour juger de pratiques dont nous ignorons tout les tenants et aboutissants. En effet dans le cas des mères porteuses, il s’agit pour ces femmes de s’assurer un revenu (leur revenu) relativement conséquent, dans des conditions (relativement) sûres : elles ont en effet l’assurance d’être nourries et correctement logées pendant cette période, d’avoir accès aux soins…. Sans cautionner cette pratique, je pense qu’avant de blâmer ces femmes, les accuser de vendre leur ventre, etc, ce sont des choses à prendre en considération qui amène à avoir une vision plus nuancée du débat.

    • 4

      Merci Milounette, oui c’est tout à fait cela: un référentiel qu’on a tendance à généraliser. La question des mères porteuses est effectivement une problématique similaire (elle est désormais interdite en Inde pour les étrangers, mais par pour les couples Indiens).
      Disons que mon problème dans tous ces cas où l’on condamne une pratique, c’est qu’on ne cherche pas à en trouver la cause, qui généralement se résume au creusement des inégalités. Si ces pratiques existent, c’est que les plus défavorisés tentent tant bien que mal de s’en sortir. La solution est à trouver de ce côté là.

  3. 5

    Merci pour l’article, moi aussi je me pose plein de questions quand je vois des enfants qui bossent au Cambodge… Pour l’éducation malgré tout – même si tu as raison ça n’est pas la seule manière d’accéder à un travail – je pense que ça reste le meilleur moyen pour des pays comme l’Inde et le Cambodge de progresser. Ici ils ont tué tous les intellectuels il y a 40 ans (il suffisait de posséder un stylo ou des lunettes, ou de parler une langue étrangère), et les conséquences sont désastreuses. Le fait que les gamins puissent aller à l’école et apprendre des choses que leurs parents ne savent pas, ça peut tout changer. Ca ne remet pas du tout en cause ton article, mais je voulais juste le préciser 🙂

    Et si ça t’inspire pour un prochain article, voici une autre question qui m’obsède depuis que je vis ici : on condamne les marques de fast fashion parce qu’elles exploitent des cambodgiens (ou indiens) pauvres pour fabriquer leurs vêtements à bas coût. Mais ici, quand je vois le nombre de gens qui vivent grâce à ça, j’avoue que je ne sais plus trop quoi penser. Si les H&M and co arrêtaient de produire ici, l’économie sombrerait… Ca m’intéresserait d’avoir ton avis la dessus !

  4. 6

    Ah et attends j’oubliais un point ! Ce que je trouve terrible, c’est quand les enfants travaillent avec les touristes (mendicité, vente d’objets divers..) parce que justement tout le monde sait très bien qu’un enfant c’est attendrissant et qu’on a envie de l’aider. L’autre jour sur un site touristique, une horde de gamins entre 3 et 10 ans essayaient de me vendre des bracelets brésiliens en me disant « If you buy, come to me first ! Promess ! ». Ils m’ont profondément nouée parce que je ne savais absolument pas quoi faire. Et après réflexion je pense tout de même que quand l’enfant est utilisé parce qu’il est enfant, pour tirer sur la corde sensible, alors il vaut mieux ne pas encourager ça…

    • 7

      Hello Jess!
      Merci pour ton commentaire 🙂 Effectivement au Cambodge, toi aussi tu dois y être confrontée assez souvent j’imagine.
      Je ne remets pas du tout en cause le fait que c’est mieux d’aller à l’école 😉 Je suis bien contente d’y être allée moi-même et d’avoir eu accès à une scolarité de qualité! Même sans parler du développement d’un pays, ne serait-ce que pour le développement de l’enfant, c’est nécessaire. Mais pour ça il faut qu’il y ait un système éducatif digne de ce nom. C’est comment la situation au Cambodge à ce niveau? est-ce que les professeurs sont formés?
      Pour la fast-fashion, personnellement je ne la cautionne pas, je trouve que c’est un modèle qui marche sur la terre (sans compter extrêmement polluant). J’estime qu’on peut toujours réfléchir à un modèle plus juste, et que le consommateur a donc un rôle crucial à jouer pour faire changer la politique des marques. Si H&M and co vendaient quelques euros de plus leurs articles, c’est pas grand chose dans le portefeuille d’un Occidental, alors que ça ferait une sacré différence dans la vie d’un Cambodgien. Tu vois ce que je veux dire? Au delà de ça, on pourrait aussi transférer des compétences et ne pas seulement avoir dans les pays du Sud toute la partie manufacture.
      Et pour le problème des enfants mendiants… ralala c’est pas simple du tout. Je donne pas non plus car je ne veux pas encourager ce business, mais je sais aussi que derrière les familles sont dans une grande précarité. Tiens j’avais lu un article à ce sujet qui devrait t’intéresser: http://realitytoursandtravel.com/blog/how-to-respond-to-begging/?utm_source=Blog+Subscribers&utm_campaign=682fa118cc-Monthly_Blog_Update&utm_medium=email&utm_term=0_3c1b4171fa-682fa118cc-308891985
      Aurélia

      • 8

        Au Cambodge non plus c’est pas beau le système éducatif.. Déjà ça n’est pas obligatoire. Ensuite les parents doivent débourser plus s’ils veulent que leur gamin puisse faire des heures en plus avec l’instit. Sans ça aucune chance d’avoir le niveau pour poursuivre ses études. Et sans ça l’instit ne gagnerait pas suffisamment pour vivre décemment.
        Même à l’université le niveau est extrêmement bas. Un médecin cambodgien ne possède pas le quart des connaissaissances d’un médecin européen. Ça va changer sûrement mais comme les khmers rouges ont vraiment détruit tout le système éducatif, ils sont répartis de zéro dans les années 80. Pas simple.
        Intéressant d’avoir ton point de vue depuis l’Inde, merci !

  5. 10

    Article intéressant! jamais il ne me serait venu à l’idée par contre de juger les parentrs qui élèvent de cette façon, autre culture autre moeurs, même pour les enfants de 4 ans comme sur la photo hélàs.. Les coupables ne sont surement pas les parents mais ceux qui achètent ça (donc nous…°

    APrès bon… j’ai envie de dire que c’est un peu le serpent qui se mord la queue : école avec un faible niveau, pas adaptée etc.. bah c’est aussi sans doute le résultat du peu d’importance qu’on donne à « l’éducation ». ON éduque pas ou peu, donc on investit peu dans les infrastructures, donc les gens ne voient pas l’intérêt d’y mettre leurs enfants.. et on fait une boucle comme ça.
    L’école pour moi c’est pas forcément pour réussir socialement, loin de là, il me semble que c’est déjà un lieu où l’on se mélange et où justement on voit autre chose que sa famille et sa façon de penser, on se confronte à l’autre et ça ça fait avancer, et puis l’instruction, c’est uqand même et avant tout une histoier de « possibilités ».
    Quand tu es instruit ou que tu as accès à un minimum d’instruction, tu as la possibilité de comprendre le omnde qui t’entoure, et tu as « plus » de choix. Alors bien sur nos écoles à nous formatent pas mal les cerveaux… Mais uqand même.. quand j’étais plus jeune je faisias de la musique classique et on avait un cours « d’harmonie » (qui consiste à connaître les règles pour composer un morceau), évidemment bcp de grands compositeurs ne respectaient pas ses règles, et je me souviens bien d’une phrase d’un professeur « pour casser un système, il faut d’abord le ma^^itriser ».
    Bref il me semble que refuser ce chemin là, c’est refuser la possibilté de choix, en tout cas les restreindre et pousser l’enfnat à la même voix que ses parents sans bcp d’options

    voilà, en aucun cas je jugerais les parents, c’est jsute un monde différent, ni même un enfnat qui aide dans une magasin ou au champ (il y a pas si longtemps mon père lui même le faisait pour aider ses parents, c’est pas si vieux), mais il me semble que l’instruction obligatoire, et investir dedans, c’est primordial, pas pour la réussite sociale (dont je me moque personnellement) mais pour les choix que ça offre.

    • 11

      Je suis tout à fait d’accord avec toi Lilly! Loin de moi l’idée de dire « aux chiottes l’éducation » 🙂 Bien au contraire, si j’ai des enfants, je voudrais bien sûr qu’ils aillent à l’école. Je voulais simplement mettre en avant la difficulté voire l’impossibilité de ce choix pour certains parents.
      Le problème du gouvernmeent indien (et je pense que ce n’est pas le seul) est que d’une part le % du PIB alloué à l’éducation est relativement faible, et d’autre part, ce qui est alloué, l’est sur l’infrastucture au détriment de la qualité de l’enseignement. On se retrouve avec de plus en plus d’écoles privées où l’élite envoie ses enfants, ce qui aggrave les inégalités et un système à deux vitesses.
      In fine, les consommateurs (nous comme tu dis) ont clairement un rôle à jouer, nous sommes partiellement responsables de la situation. A vouloir toujours mon cher, on en arrive à ce genre de paradoxe. Et les consommateurs ont la mémoire courte: il n’y a qu’à voir après l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, tout le monde criait au scandale, et quelques mois après, tu retrouves les mêmes chez Zara à faire les soldes !

  6. 12

    Bravo pour ton article! Qui sort de la vision manichéenne qui nous est servie habituellement.
    Je n’arrive pas à avoir une opinion très claire sur la question, tant je me doute qu’il y a bien plus à traiter que ce que je peux voir ou penser depuis mon bureau ici.
    Yves Bonnartel a écrit un livre qui s’intitule La domination adulte et qui m’interpelle. Il faut vraiment que je me l’achète et que je le lise. J’avais lu une interview de lui où il expliquait que refuser le travail aux enfants c’est refuser de voir au-delà de notre vision occidentale et surtout, refuser une indépendance financière aux jeunes. Bon il développe sa thèse mieux que moi, je pense que ça pourrait t’intéresser pour compléter ce que tu peux voir en Inde.

    Belle journée

    • 13

      Merci Gwendoline! Je ne connais pas ce livre, mais effectivement, cela peut amener un complément de réponse.
      L’indépendance financière c’est quand même encore autre chose selon moi. Beaucoup de personnes ici sont ce qu’on appelle des « daily wage workers »: ils gagnent leur vie au jour le jour, sans pouvoir nécessairment mettre de côté (n’ont pas de compte en banque par exemple). Du coup, il n’y a pas de réelle indépendance financière, car la précarité est omniprésente.
      Mais je le rejoint sur la prise de recul nécessaire avec notre référentiel occidental, qui fausse complètement la donne!

  7. 14

    Bonjour, c’est un chouette article, comme d’autres que j’ai pu lire de vous !

    Est-ce que vous savez qu’il existe des organisations de lutte d' »enfants et jeunes travailleurs » sur les cinq continents, et tout particulièrement dans les pays du Tiers-Monde, qui se battent pour le droit au travail, le droit de se défendre du coup de l’exploitation et de pouvoir s’aménager du temps pour l’instruction (pas nécessairement l’école, jugée par beaucoup comme inadaptée et oppressive) et les loisirs ? Ces organisations réunissent des dizaines ou centaines de milliers de « mineurs » de par le monde, et sont organisées en non-mixité adultes/enfants (les adultes n’ont pas de voie décisionnelle). En Inde existent désormais plusieurs syndicats d’enfants et jeunes travailleurs, non reconnus ni par les syndicats d’adultes, ni par le gouvernement, qui se battent contre la clandestinité (et le surcroit d’exploitation et de précarité) où les plongent des lois qui restreignent leurs droits…, dont le Bhima Sangha, qui édite un journal, Bhima Patrike. Un autre syndicat d’enfants, Bal Mazdoor Union (New Delhi), du fait qu’il légitimait le travail des enfants, s’est heurté à des militants des Droits de « l’Homme », et du fait qu’il regroupe des mineurs qui ne sont pas censés travailler, n’a pas été reconnu par la Cour suprême indienne.
    Je parle en détail de cette problématique à facettes multiples (et parfois complexes) qu’est le travail des enfants dans un livre intitulé « La Domination adulte. L’oppression des mineurs » (éditions Myriadis, 2015), qui aborde aussi de très nombreux autres sujets liés à l’impact désastreux de l’ordre de domination adulte sur les « enfants ».

    • 15

      Bonjour Yves,
      Quel honneur de lire un commentaire de votre part sur ce blog ! (je vous lis souvent sur les Cahiers :))
      Je n’avais pas du tout entendu parler de ces organisations effectivement. C’est intéressant ce que vous dîtes sur le fait que les adultes n’ont pas de voie décisionnelle : il y a donc une véritable confiance et responsabilisation des mineurs. Comme vous dîtes, c’est un sujet vraiment complexe, surtout lorsqu’il est appréhendé avec une vision occidentale un peu binaire. Je lirais à l’occasion votre ouvrage à sur ce sujet que je ne connais au final que très peu.
      Bonne journée,
      Aurélia

      • 16

        Oui, ils fonctionnent pour les décision en non-mixité enfants/adultes parce qu’ils se sont vite rendu compte que les adultes essayaient toujours de diriger, de prendre le pouvoir… En Amérique latine, ils/elles s’appellent les NATs ou « Natras » (Ninos et adolescentes trabajadores ») et en Afrique les « enfants et jeunes travailleurs » (il existe un MAEJT, Mouvement africain des enfants et jeunes travailleurs, qui regroupe des centaines d’orgas sur 26 pays !). Il sont soutenus par diverses ONG tout de même (ils ont bien besoin de soutien !) ; en France, il y avait un site qui parlait d’eux, et qui est peut-être de nouveau actif, qui s’appelle « Voix des enfants actifs » : http://www.enfants-actifs.org/

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