Se reconnecter à la nature dans les montagnes himalayennes

Si j’ai bien une addiction, c’est celle aux écrans de mon téléphone et de mon ordinateur. Étant graphiste et blogueuse, ce sont de fait deux outils essentiels dans mon quotidien et sur lesquels je peux facilement passer plus de 16 heures par jour. Vivre derrière des écrans peut vite devenir aliénant, comme je m’en rends bien compte lorsque mon réflexe matinal consiste à regarder emails, messages et réseaux sociaux juste après que mon réveil ne sonne.

C’est quelque chose dont j’ai conscience et dont j’essaie de me défaire, ce qui n’est vraiment pas simple pour moi. Mais la nécessité de ralentir me semble essentielle pour mieux vivre et prendre le temps de s’écouter. Pour moi, cela passe par aller dans la nature, à la rencontre de jolis paysages, lors de promenades en montagnes par exemple. La beauté de la nature à l’état brut : voici ce qui me permet de me ressourcer.

Cela a été d’autant plus le cas dans les Himalayas, où je viens de passer une dizaine de jours. J’avais prévu le coup : pas question de prendre l’ordinateur. J’ai ainsi planifié mes posts pour le blog en amont, avant de partir. J’avais quand même mon téléphone pour me tenir informée et pouvoir répondre aux éventuels messages. Mais c’était sans compter qu’une fois dans les montagnes, l’altitude et les coupures de courant mettraient à mal toute tentative de connexion. Sans réseau ni internet, je me suis retrouvée dans une « digital detox » imposée. Pour mon plus grand bien.

La beauté sauvage du Ladakh

Le Ladakh est une région les plus au Nord de l’Inde, dans l’état du Jammu & Kashmir. Réputée pour ses treks, le Ladakh n’est pas facile d’accès :

  • Les routes qui y mènent sont gelées la moitié de l’année et ne sont ouvertes qu’entre mai et octobre.
  • Il faut obtenir un permis pour pouvoir circuler librement dans la région, que vous soyez étranger ou indien (le Jammu et Kashmir étant un état fortement militarisé du fait des revendications d’indépendance de la région du Cachemire, et des tensions avec le Pakistan voisin). Celui-ci s’obtient cependant très facilement sur place.
  • Voyager dans cette région coûte plus chère que dans le reste de l’Inde, notamment si vous choisissez d’atterrir directement à Leh, la ville principale du Ladakh.
  • L’altitude et le froid ne conviennent pas à tout le monde (Leh est située à plus de 3500 mètres d’altitude).

Mais ne vous laissez pas intimider et décourager par ces tracas administratifs et logistiques. Si vous avez prévu un voayge dans le Nord de l’Inde, ne manquez surtout pas cette région, vous en serez 1000 fois récompensé.e.

Les mots ne suffiraient pas à décrire la beauté des paysages du Ladakh. Toute description de ma part serait vaine et maladroite. Les photos qui suivent sont une tentative de capturer l’essence de cette région, mais encore une fois, quelques clichés ne peuvent à mon sens pas à rendre pleinement hommage à ce que je qualifierais d’un des plus beaux endroits que j’ai eu la chance de visiter.

 

Etape 1 : McLeod Ganj, la demeurre du Dalaï Lama (Dharamshala)

Afin d’économiser sur les billets d’avion, nous avons atterri à Delhi, ville depuis laquelle nous avons rejoint Manali en bus de nuit. C’est là, dans la capitale de l’état de l’Himanchal Pradesh, que notre périple a véritablement commencé. Je ne m’attarderais pas sur Manali, dont j’ai trouvé l’intérêt limité, si ce n’est pour sa proximité géographique avec la région du Dharamshala où est actuellement réfugié le Dalaï Lama et de nombreux moines bouddhistes tibétains (enfin quand je dis proche, c’est à 8 heures de route tout de même, n’oublions pas que parcourir même de petites distances en Inde prend du temps !).

Si les montagnes de l’Himanchal Pradesh ne m’ont pas époustouflées (je trouve les Alpes plus belles!), les deux jours que nous avons passés à McLeod Ganj furent néanmoins l’occasion d’en savoir plus sur l’invasion du Tibet par la Chine. Même si je ne me revendique d’aucune religion, je me suis sentie reconnaissante d’être née dans un pays où la liberté de culte est garantie. Les bouddhistes tibétains, eux, n’ont pas le droit d’avoir une photo du Dalaï Lama. Pire encore, en 1995, les autorités chinoises ont kidnappé le panchen-lama et sa famille (un enfant de 6 ans que le Dalaï Lama actuel avait identifié comme son successeur). Cela fait plus de de 20 ans que le panchen-lama est prisonnier, tandis que les autorités chinoises ont proclamé leur propre panchen-lama, qui est bien évidemment favorable à la politique chinoise envers le Tibet. Voilà, c’était pour la parenthèse culturelle 🙂

De retour à Manali, nous avons pris un minivan avec 12 autres personnes. 18 heures de route plus tard, ponctuées d’arrêts pour prendre un thé pour nous réchauffer, nous voici arrivés à Leh, la ville principale du Ladakh. La route Manali-Leh est à couper le souffle. Les paysages que nous avons traversés resteront à longtemps gravés dans ma mémoire.

Etape 2 : Leh et ses monastères (Ladakh)

Leh est le point de départ de nombreux treks. N’ayant ni le temps, ni l’assurance que nous supporterions le froid et l’altitude, nous avons opté pour explorer les environs de Leh, et notamment ses nombreux monastères bouddhistes. Je ne suis pas quelqu’un de particulièrement sensible à l’architecture et aux sites d’héritage, mais je dois dire que le monastère de Thiksey m’a particulièrement plu. Par ailleurs, le premier jour dans le Ladakh, il est conseillé de ne rien faire du tout, afin de s’acclimater à l’altitude.

 

Etape 3 : Nubra Valley et son désert en altitude (Ladakh)

Pour aller de Leh à Nubra Valley, vous passez par la route la plus haute du monde (« highest motorable road in the world »), culminant au col de Khardung La, à plus de 5300 mètres d’altitude, avant de redescendre dans la vallée de Nubra, où se trouve un désert froid. Point de sable jaune ici, mais gris. Malgré sa faible étendue, ce lieu n’en reste pas moins très pittoresque. J’ai par contre regretté la présence des dromadaires sur lesquels les touristes peuvent faire des balades de 5 minutes… Au-delà de l’utilisation des animaux dans l’industrie du tourisme qui me pose problème, j’ai trouvé que c’était absolument inutile. C’est quelque chose qui me dérange beaucoup en Inde : les activités touristiques fleurissent vraiment partout, jusqu’à parfois ressembler à un parc d’attractions. Cela dénature selon moi complètement la beauté des lieux en question qui se suffiraient pourtant à eux-mêmes.

Etape 4 : Pangong Lake, le lac du film « 3 Idiots » (Ladakh)

Rendu célèbre pour la scène finale du film culte bollywoodien « 3 Idiots », Pangong Lake est un petit joyau de la nature qui vaut bien chaque minute des 8 heures de route depuis Nubra Valley, pontuées par l’humour des autorités routières du Ladakh qui se sont lâchées sur les rimes des panneaux routiers (« Driving risky after whisky », « East or west, together is the best », « Test your nerves on my curves » pour n’en citer que quelques unes!). Une eau translucide aux reflets turquoises qui n’a rien à envier aux plus belles plages des cartes postales. Là encore, nombre de touristes indien.nes affluent pour reproduire la scène du film dans un décor (inutilement) reconstitué pour l’occasion.

Point positif à Pangong comme à Nubra, il n’y a pas (encore) de gros complexe hôtelier, mais des chambres chez l’habitant ou des guesthouses simples et sommaires, compatibles avec un tourisme responsable.

Les bénéfices de ce voyage

C’est surtout à ça que je voulais en venir ! Cette « digital detox » imposée aura eu de nombreux mérites. Cette liste n’est probablement pas exhaustive, mais ce sont les points que j’ai identifiés :

  • Ne plus être le nez devant mon écran m’a permis de dégager du temps pour faire d’autres choses : lire, prendre des photos, réfléchir à des idées de visuels pour la cause animale, prendre le temps de bien manger, etc.
  • Voire la beauté de la Nature a renforcé ma détermination à préserver la Terre et sa biodiversité. Même à plus de 5000 mètres d’altitude, même dans un état qui insiste à coups de panneaux routiers sur la nécessité de ne pas jeter ses déchets par la fenêtre (un véritable fléau en Inde), j’ai vu des cadavres de bouteilles de bière sur la neige, des animaux essayer de manger des emballages plastiques à côté de la route, des sacs de Chips s’envoler au large de Pangong Lake… Cela me fait vraiment mal au cœur, et j’ai encore plus à coeur de vivre et voyager de manière responsable.
  • Moins prévoir. Pendant longtemps j’ai été quelqu’un qui, en voyage, voulait tout voir, tout faire. Comme s’il fallait rayer les choses les unes après les autres sur une liste, de peur de rater quelque chose d’incroyable qui était un must dans la région. C’est moins le cas maintenant, car j’ai réalisé qu’à vouloir trop en faire, on finit par ne plus profiter de rien. Que trop prévoir ne laisse plus de place à l’imprévu et à la magie. Mais parfois j’ai des rechutes et je stresse à l’idée que le voyage n’a pas été assez bien planifié ; et je me dis : « ah on a perdu un jour à faire ça alors qu’on aurait pu faire ça qui avait l’air mieux ».
  • Etre plus dans l’instant et moins dans la projection, ce qui est très difficile pour moi qui ai tendance à vouloir planifier trop de choses. Profiter des paysages qui défilaient, m’attarder sur la trajectoire d’un oiseau qui vole, apprécier la couleur d’un fleuve, etc. autant de petites choses qui m’ont permises de profiter davantage du moment T et de ralentir un peu.
  • Etre plus sereine quant à l’avenir. C’est probablement une conséquence du point précédent. Bien que mes objectifs de vie soient plutôt clairs dans ma tête, je suis souvent proie aux doutes sur la manière de les réaliser. Par exemple, un de mes objectifs est de servir la cause animale, mais je me demande souvent quel est le meilleur moyen de le faire. Lors de ce voyage, à chaque fois que ces doutes m’envahissaient sur l’utilité de mon action, je me disais que les réponses viendraient en temps voulu et s’imposeraient à moi au fur et à mesure.
  • Vivre plus simplement, au rythme du soleil et des saisons. Les fréquentes et longues coupures de courant, l’absence de chauffage, ainsi que la rareté de l’eau chaude ont nécessité de faire des ajustements. Nous coucher plus tôt et nous lever plus tôt. Prendre des douches quand le soleil est au beau fixe (nombreuses maisons d’hôtes et petits hôtels de la région sont approvisionnés en eau chaude par des panneaux solaires). Se couvrir davantage, surtout la nuit. Autant de comportements qui limitent la consommation d’eau et d’énergie et sont finalement bien plus respectueux de l’environnement. En France, j’ai tendance à mettre le chauffage à fond l’hiver, alors qu’ici il n’y avait pas ce luxe, et cela s’est pourtant très bien passé. Ca fait réfléchir.
  • Me sentir plus libre grâce à un sac à dos qui ne contenait que l’essentiel. Les bénéfices du désencombrement et du minimalisme se sont ressentis jusqu’en voyage. Je rêve un jour de pouvoir contenir toutes mes possessions dans 2 valises, bien que j’en suis encore loin !
  • Sortir de ma zone de confort et faire davantage confiance aux autres. Sous une pluie battante, et alors que le bus se faisant vraiment désirer, nous avons décidé de faire du stop en espérant qu’une bonne âme s’arrêterait. La première voiture qui s’est arrêtée (ce qui a pris moins de 2 minutes) allait précisément là où nous devions nous rendre et le conducteur a refusé les 200 roupies que nous avons essayé de lui donner.
  • Être reconnaissante envers mon corps (cela peut paraître un peu stupide !) de ne pas avoir été malade du tout malgré l’altitude, alors que dans le minibus pour aller à Leh, certains ont vomi ou se sont évanouis du fait de l’altitude.
  • Enfin, devant l’immensité et la taille de ces montagnes, se rendre compte qu’on est vraiment petit et insignifiant. Et réaliser encore plus clairement que la Terre peut aisément se passer de nous, le contraire n’est en revanche pas possible. C’est bien pour remettre l’égo à sa place et prendre conscience de la nécessité de passer d’une conception anthropocentrique à biocentrique.

Malgré tous ces bienfaits, qui m’ont vraiment permis de ralentir et de m’écouter davantage, il m’a été difficile de vivre une semaine sans internet. A tel point que quand nous avons eu un jour, par miracle, du wifi, je me suis ruée dessus, comme une fumeuse sur une cigarette en manque de nicotine. Mais au moins cela m’a permis de ralentir un peu ma consommation d’écrans depuis mon retour et de m’octroyer plus de pauses sans (trop) culpabiliser. Je suis également dans une dynamique de vouloir davantage faire de randonnées et balades de la nature, afin de ne pas perdre les bénéfices de ce voyage.

Je pense que cette « addiction » aux écrans est quelque chose qui touche de plus en plus de monde dans notre société de l’ère digitale, et c’est pourquoi j’ai voulu partager mon expérience (en plus de vouloir partager la beauté de cette région de l’Inde). Je suis sure qu’il existe de nombreux moyens pour se « déconnecter » de la technologie et ainsi se « reconnecter » aux choses importantes. Quels sont les vôtres ?

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3 Comments

  1. 1

    Je suis émue de lire ton article, effectivement les mots ne peuvent décrire la beauté du Ladakh. C’est ma plus belle expérience en Inde, les plus belles rencontres aussi.
    Déconnecter au Lac Pangong avait été pour moi extrêmement compliqué, j’étais malade, je fais partie de ses gens malades en altitude (on avait dû s’arrêter dans un base camp pour me donner de l’oxygène), j’avais simplement envie d’envoyer un message à mes proches que tout allait bien, trouver du réconfort auprès de ma maman ;-), ne pas pouvoir le faire et me sentir si loin de tout, je pleurais tellement l’arrivée au lac fut difficile mais aussi face à la beauté de la nature. Si je n’avais pas rencontré trois motards indien à la guest house le premier soir l’expérience en aurait été tout autre. Ils m’ont parlé, remonté le moral, donné des médicaments que j’ai pris sans me poser de question alors que je ne savais pas ce que c’était.

    Bref déconnecter, être seul et malade m’a appris à avoir confiance en moi, et en l’autre. Si je devais retenir un fait en 2016, ca serait celui-là.
    Bonne continuation, et merci pour cet article

    • 2

      Ohlala mince alors :-/ est-ce que Pangong était ton premier arrêt en arrivant au Ladakh? De mon côté, le trajet en voiture entre Manali et Leh a certainement bien aidé à ce que je m’habitue graduellement à la montée en altitude. Je trouve courageux que tu aies voyagé seule dans ce coin de l’Inde!

      • 3

        Oui premier stop au Lac Pangong après 32 heures à Leh, j’y avais atterri en avion directement depuis Delhi, du coup peu de temps pour m’acclimater. Je rêvais de faire le trajet Manali-Leh en voiture, il parait que c’est la plus belle route du monde, ca sera pour un autre voyage…
        Bref j’avais envie de quitter Leh rapidement car je l’ai trouvée embouteillée, polluée, bondée de jeunes Israéliens pas du tout respectueux des valeurs locales…

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