Le choix de Sophie: chez les vaches aussi

Vous connaissez sans doute ce roman Le Choix de Sophie (qui est aussi un film avec Meryl Streep dans le rôle principal). On ne comprend le titre du roman qu’à la fin: Sophie, internée avec ses deux enfants dans un camp de concentration, avait dû choisir entre son fils et sa fille afin d’en sauver un. Si elle n’en choisissait aucun, elle condamnait les deux.

Quel rapport avec les vaches? Et bien l’histoire particulièrement émouvante relatée ci-dessous par une vétérinaire américaine, nous montre qu’une vache a vécu ce même dilemme cornélien.

« J’aimerais vous raconter une histoire touchante et vraie. Après avoir obtenu mon diplôme à l’école vétérinaire de Cornell, j’ai fréquemment exercé dans les exploitations laitières de Cortland. J’y étais appréciée du fait de la douceur de mes interventions sur les vaches.

L’un de mes clients me sollicita un jour pour résoudre un mystère : la veille, dans une prairie, l’une de ses vaches Brune des Alpes avait mis bas pour la cinquième fois dans sa vie. Une fois rentrée à la ferme avec son nouveau-né, son veau lui fut retiré, et elle, conduite en salle de traite. Mais son pis était vide, et il le resta pendant plusieurs jours.

Après la naissance de son veau, cette vache aurait dû produire près de 47 litres de lait par jour. Cependant, et en dépit du fait qu’elle se portait bien par ailleurs, son pis restait vide. Elle partait au pré le matin après la première traite, revenait pour la traite du soir, et restait la nuit en prairie – c’était un temps où les bovins étaient autorisés à profiter un minimum de certains plaisirs au cours de leur vie – mais jamais son pis n’était gorgé de lait comme celui d’une vache qui a mis bas.

Je fus appelée deux fois sur place pendant la première semaine suivant son accouchement, mais je ne trouvai aucune explication. Finalement, le onzième jour, l’éleveur m’appela : il avait trouvé la réponse : la vache avait donné naissance à des jumeaux, et par un « choix de Sophie », elle avait livré l’un de ses veaux à l’éleveur et gardé l’autre dans un bois en bordure de prairie. Chaque jour et chaque nuit, elle retrouvait et nourrissait son petit – le seul qu’elle ait jamais pu garder auprès d’elle. Malgré mes efforts pour convaincre l’éleveur de laisser la mère et son petit ensemble, il lui fut enlevé et envoyé dans l’enfer des box à veaux.

Pensez un instant au raisonnement complexe élaboré par cette maman. Premièrement, elle se rappelait la perte de ses précédents petits et la conséquence de rentrer avec eux à la ferme : ne plus jamais les revoir (une situation déchirante pour toute mère mammifère). Deuxièmement, elle formule un plan et l’exécute : si ramener son veau à la ferme signifie le perdre inévitablement, alors elle installera et cachera son autre petit dans les bois, comme les biches, jusqu’à son retour. Troisièmement – et je ne sais comment l’expliquer – au lieu de cacher les deux veaux, ce qui aurait attiré la suspicion de l’éleveur (une vache gestante quittant la ferme le soir, la même vache revenant au matin non-gestante mais sans progéniture), elle lui en a donné un et gardé l’autre. J’ignore comment elle a pu faire cela – il aurait été plus probable qu’une maman désespérée tente de cacher ses deux petits.

Tout ce que je sais, c’est qu’il se passe derrière ces yeux magnifiques beaucoup plus de choses que nous, humains, n’avons jamais voulu voir. En tant que maman, qui ai pu élever mes quatre enfants, et n’ai pas eu à souffrir de la perte d’un seul d’entre eux, je ressens sa douleur. »

— Holly Cheever, Docteur en médecine vétérinaire
Vice Presidente du New York State Humane Association

[bctt tweet= »L’histoire d’une vache confrontée au ‘Choix de Sophie’. » username= »Madame_Carotte »]

 

En effet, dans l’industrie laitière, les vaches sont inséminées artificiellement. Lorsqu’elles accouchent, les vaches lèchent leur petit afin de lui enlever les restes du liquide amniotique et se familiariser avec leur odeur. Malheureusement, dans la plupart des cas, et particulièrement dans l’industrie intensive, le veau est retiré à sa mère dans les 24 heures suivantes, si ce n’est moins. Un déchirement, autant pour la mère que pour le veau. La vache meugle, appelle et cherche son petit pendant des jours, comme vous pouvez le constater dans la vidéo suivante, extrait du documentaire arte Adieu Veaux Vaches Cochons Couvées :

En savoir plus sur l’industrie laitière:

Et l’Homme créa la vache

Fair Oaks Farm: une ferme-usine de 40 000 vaches qui se visite comme Disneyland

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5 Comments

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    ohhh 🙁 même si je connais le triste sort des vaches et de leurs veaux (et c’est d’ailleurs pour ça que j’ai stoppé les produits laitiers) cette histoire me touche tellement que j’en ai pleuré. Cela prouve une fois de plus (comme si on avait encore besoin de preuve) que les animaux ont bien des sentiments et peuvent souffrir aussi bien physiquement que psychologiquement. Une belle histoire que je vais partager sur la page fb de mon blog.

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